Courrier type pour se joindre au Recours pour Excès de Pouvoir contre le décret publié au JO le 1er mars 2013 portant application de la loi du 1er mars 2012 sur la numérisation des œuvres indisponibles du XXe siècle.

9 août 2013 3 commentaires

Xxxxxxx XXXXXX

Qualité (auteur, éditeur, scénariste, illustrateur, etc.)

N° et nom de rue

Code postal et Ville

Pays

CONSEIL

D’ÉTAT

SECTION DU CONTENTIEUX

10ème

sous-section

Bureau

du Greffe

Palais

Royal

75100

PARIS CEDEX 01

Ville,

le jour mois année

MEMOIRE en intervention volontaire à

l’appui de la requête n° 368.208

 

 

Recommandé avec

avis de réception

Je, soussigné(e), Xxxxxx XXXXX, qualité, de nationalité

xxxxx, demeurant adresse

déclare

me joindre à la Requête n° 368.208 déposée par Me Stéphanie DELFOUR pour

Monsieur Marc Soulier et Madame Sara Doke contre le décret n° 2013-182 du 27

février 2013 portant application des articles L. 134-1 à L. 134-9 du code de la

propriété intellectuelle et relatif à l’exploitation numérique des livres

indisponibles du XXe siècle, publié au

Journal Officiel de la République Française n° 0051 du 1 er mars 2013, page 3835, texte n° 41.

En

effet, ce décret est contraire à la Convention de Berne, au Traité de

l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), au droit de

l’Union européenne, ainsi qu’à la Convention européenne des droits de l’homme

et des libertés fondamentales. Il n’est en outre pas conforme à la loi du 1er

mars 2012 elle-même.

– En

prenant pour objet l’exploitation numérique des livres indisponibles, le

décret comme la loi violent le principe essentiel de la protection du droit

d’auteur énoncé par la Convention de Berne (articles 2.1, 2.5) qui, se

référant à la seule création immatérielle (intellectuelle), induit que la

propriété corporelle est indépendante de la propriété incorporelle. On ne

numérise (et on n’exploite) pas un objet-livre, mais une œuvre de l’esprit.

– En

fixant des procédures pour que les titulaires de droits d’auteur puissent

s’opposer à l’inscription de leurs livres dans la base de données des

indisponibles et à la gestion collective de leurs droits d’exploitation

numérique, le décret organise une formalité prohibée par la Convention de Berne

(art. 5.2) et le Traité de l’OMPI (déclaration commune sur l’article 12).

– En

ne prévoyant pas qu’une autre personne que l’auteur puisse faire jouer son

droit moral, le décret exclut les héritiers du mécanisme mis en place, en

complète contradiction avec la Convention de Berne (art. 6 bis et 7 § 1) et la

tradition juridique française qui font du droit moral un droit perpétuel (art.

L 121-1 du CPI).

– En

contraignant l’auteur à apporter la preuve qu’il est seul titulaire de ses

droits, le décret et la loi contreviennent au principe de présomption de

titularité de l’auteur sur son œuvre, violant ainsi la Convention de Berne

(art. 15.1) et la directive 2004/48/CE (art. 5) du Parlement européen,

violation d’autant plus grave qu’elle impose à l’auteur une « preuve

diabolique » puisqu’il lui revient de prouver un fait négatif :

l’absence de cession des droits numériques.

– Le

décret, comme la loi qu’il applique, est non-conforme au « test en trois

étapes » prévu par la Convention de Berne, l’accord sur les ADPIC, le

traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et la directive européenne 2001/29. En

effet, le dispositif porte atteinte à l’« exploitation normale » de

l’œuvre et n’a pour effet que de faciliter l’acquisition des droits numériques

par l’éditeur sans obtenir le consentement de l’auteur ; or, si le livre

est qualifié d’indisponible, c’est que la résiliation de plein droit pour

défaut d’exploitation pourrait opérer. En outre, puisque seule la défaillance

de l’éditeur provoque l’indisponibilité d’une œuvre, l’auteur ne devrait pas

avoir à partager le fruit de l’exploitation numérique de celle-ci avec lui.

Cela cause un « préjudice injustifié » à ses « intérêts

légitimes ».

– Le

décret et la loi qu’il applique créent une nouvelle exception au droit

d’auteur : cela contrevient à la directive 2001/29 (considérant 32)

contenant une liste exhaustive des

exceptions et limitations au droit

de reproduction et au droit de communication au public et à son objectif d’harmonisation visant à assurer le

bon fonctionnement du marché intérieur.

Par

ces motifs, je requiers à ce qu’il plaise au Conseil d’État d’annuler le décret n° 2013-182

du 27 février 2013 portant application des articles L. 134-1 à L. 134-9 du code

de la propriété intellectuelle et relatif à l’exploitation numérique des livres

indisponibles du XXe siècle.

Prénom Nom et Signature

En pièce jointe une photocopie de mon passeport / carte d’identité

Recours pour Excès de Pouvoir contre le décret publié au JO le 1er mars 2013 portant application de la loi du 1er mars 2012 sur la numérisation des œuvres indisponibles du XXe siècle

5 Mai 2013 12 commentaires

Le 2 mai, notre avocat a déposé au Conseil d’État un Recours pour Excès de Pouvoir contre le décret publié au JO le 1er mars 2013 portant application de la loi du 1er mars 2012 sur la numérisation des œuvres indisponibles du XXe siècle.

Les capacités juridiques du Droit du Serf étant limitées par sa situation d’association de fait, la requête a été effectuée au nom de deux d’entre nous (Sara Doke et Ayerdhal), dont l’appartenance au collectif est dûment mentionnée.

Cette requête porte sur les multiples violations de la loi que compte le décret, contraire à la Convention de Berne, au Traité de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), au droit de l’Union européenne, ainsi qu’à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il n’est en outre pas conforme à la loi du 1er mars 2012 (sic).

– En prenant pour objet l’exploitation numérique des livres indisponibles, le décret comme la loi font fi du principe essentiel de la protection du droit d’auteur énoncé par la Convention de Berne (articles 2.1, 2.5) qui, se référant à la seule création immatérielle (intellectuelle), induit que la propriété corporelle est indépendante de la propriété incorporelle. En d’autres termes : on ne numérise (et on n’exploite) pas un objet-livre, mais une œuvre de l’esprit.

– En fixant des procédures pour que les titulaires de droits d’auteur puissent s’opposer à l’inscription de leurs livres dans la base de données des indisponibles et à la gestion collective de leurs droits d’exploitation numérique, le décret organise une formalité prohibée par la Convention de Berne (art. 5.2) et le Traité de l’OMPI (déclaration commune sur l’article 12).

– En ne prévoyant pas qu’une autre personne que l’auteur puisse faire jouer son droit moral, le décret exclut les héritiers du mécanisme mis en place, en complète contradiction avec la Convention de Berne (art. 6 bis et 7 § 1) et la tradition juridique française qui font du droit moral un droit perpétuel (art. L 121-1 du CPI).

– En contraignant l’auteur à apporter la preuve qu’il est seul titulaire de ses droits, le décret et la loi contreviennent au principe de présomption de titularité de l’auteur sur son œuvre, violant ainsi la Convention de Berne (art. 15.1) et la directive 2004/48/CE (art. 5) du Parlement européen. Violation d’autant plus grave qu’elle impose à l’auteur une « preuve diabolique » puisqu’il lui revient de prouver un fait négatif : l’absence de cession des droits numériques.

– Le décret, comme la loi qu’il applique, est non-conforme au « test en trois étapes » (http://www.admin.ch/ch/f/rs/0_231_151/a10.html) prévu par la Convention de Berne, l’accord sur les ADPIC, le traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et la directive européenne 2001/29. En effet, le dispositif porte atteinte à l’« exploitation normale » de l’œuvre et n’a pour effet que de faciliter l’acquisition des droits numériques par l’éditeur sans obtenir le consentement de l’auteur ; or, si le livre est qualifié d’indisponible, c’est que la résiliation de plein droit pour défaut d’exploitation pourrait opérer. En outre, puisque seule la défaillance de l’éditeur provoque l’indisponibilité d’une œuvre, l’auteur ne devrait pas avoir à partager le fruit de l’exploitation numérique de celle-ci avec lui. Cela cause un « préjudice injustifié » à ses « intérêts légitimes ».

– Le décret et la loi qu’il applique créent une nouvelle exception au droit d’auteur : cela contrevient à la directive 2001/29 (considérant 32) contenant une liste exhaustive des exceptions et limitations au droit de reproduction et au droit de communication au public et à son objectif d’harmonisation visant à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur.

– Puisque la société de gestion agréée est investie d’une mission d’instruction, impliquant une interprétation du droit et des faits qui lui sont soumis, et dispose d’une faculté de rejet de l’opposition de l’auteur, donc du pouvoir d’instruire les demandes d’oppositions, il résulte qu’elle constitue un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’homme et qu’elle doit respecter l’exigence d’impartialité. Or, c’est une véritable partialité, assimilable au conflit d’intérêt, qu’instituent la loi et le décret. Partialité subjective de par la composition paritaire de la société de gestion, au sein de laquelle l’éditeur d’origine du livre est à la fois représenté et représentant, et de par l’intérêt propre de la société de gestion. Partialité objective de par la constitution d’un comité scientifique, en majorité paritaire entre auteurs et éditeurs, qui établit la liste des indisponibles figurant dans la base de données de la BnF, au sein duquel peuvent figurer des personnes appelées à juger de l’opposition au registre, voire, comme cela a déjà été le cas (cf. François Gèze, PDG des éditions de la Découverte), de favoriser leur production dans l’établissement de la liste. L’article 6 § 1 de la Convention EDH n’est pas respecté.

– Le décret d’application n’est pas conforme au texte législatif, puisqu’il dispose que la liste des livres indisponibles est arrêtée par un comité scientifique quand la loi disposait que toute personne peut demander à la BnF l’inscription d’un livre dans la base de données. On voit bien ici que, loin de favoriser l’accès du public à des livres indisponibles, il s’agit en réalité de permettre aux éditeurs de bénéficier de l’exploitation numérique au mépris des droits d’auteur.

Maintenant que la requête est déposée, le Conseil d’État va la communiquer au gouvernement et lui impartir un délai d’un ou deux mois pour répondre à nos arguments. Il sera alors possible de présenter des observations complémentaires et de déposer une QPC. Il sera aussi possible, dans les jours qui viennent et pour qui le souhaite, de se joindre à la requête pour lui donner du poids. Plus on est de serfs, moins nous sommes taillables et corvéables à merci.

Nos arguments sont solides. Le travail réalisé par Me Stéphanie Delfour et Franck Macrez est irréprochable. Néanmoins le combat sera rude, s’étalera sur des mois et il est impossible de préjuger du résultat.
Ce qui est certain, comme nous le répétons depuis plus d’un an sans être entendus ni pris au sérieux, c’est que nous ne lâcherons pas.

Nous tenons à remercier vivement tous ceux – chacun se reconnaîtra – qui ont donné de leur temps, de leurs compétences ou de leur porte-monnaie pour la mise en œuvre de cette action, ainsi que tous ceux qui n’ont pu nous soutenir que moralement, faute d’être les millionnaires libres de toute contrainte que certains médias laissent accroire.

NB : Lors du dépôt du REP, quelques heures avant la deadline, aucun autre recours n’avait été formé. S’il est évident que la SGDL, mouillée jusqu’au cou dans l’élaboration de cette loi et dans la promotion d’icelle et de ses conséquences, n’allait pas se tirer une balle dans le pied, c’est pour le moins surprenant de la part d’autres associations, notamment d’auteurs, qui ont pourtant, parfois, exprimé des critiques acerbes contre les aberrations de l’usine à gaz que le décret instaure. Nous espérons néanmoins que certaines d’entre elles choisiront de nous appuyer ou de nous rejoindre dans notre requête.

Audition du collectif Le Droit du Serf par la Mission Culture Acte 2 de l’exception culturelle.

16 janvier 2013 4 commentaires

Audition du collectif par la Mission Culture Acte 2 de l’exception culturelle.

Le collectif était représenté par Sara Doke, Gérard Guéro et Ayerdhal.

La mission était représentée par Pierre Lescure, Juliette Mant et Raphaël Keller.

En préambule, nous avons présenté Le Droit du Serf, en insistant sur la diversité des acteurs du monde du livre qui le composent et les avantages qu’offre cette solidarité multidisciplinaire en matière de réflexion. Puis nous avons rappelé que la filière économique du livre est en France la 1ère des industries culturelles en matière de chiffre d’affaire, alors que, paradoxalement, la situation des créateurs en matière littéraire (auteurs, traducteurs, dessinateurs, etc.) est financièrement la plus précaire de celle de tous les créateurs culturels et artistiques. En effet, avec un revenu moyen avoisinant les 600 € mensuels, les 55 000 auteurs recensés, dont 25 000 publient régulièrement et moins de 1200 gagnent plus que le smic, sont de très loin les acteurs les plus pauvres de toute la chaîne du livre, alors que le fruit de leur travail génère 80 000 emplois salariés dans l’ensemble du secteur.

Nous nous sommes ensuite concentrés sur ce qui concerne spécifiquement la Mission Culture Acte 2 de l’exception culturelle qui, pour mémoire, peut se résumer à « formuler des propositions de dispositifs d’action publique permettant de favoriser le développement des œuvres et des pratiques culturelles numériques et d’assurer l’accès de tous à celles-ci, de soutenir la création et la diversité, de valoriser leurs retombées économiques pour le territoire national, et de lutter contre la contrefaçon commerciale. »

Nous avons ainsi fait valoir que :

– Par l’abaissement conséquent des coûts de fabrication, de stockage, de promotion et de diffusion, la publication numérique des œuvres littéraires offre l’opportunité de rééquilibrer les relations économiques et contractuelles entre les différents acteurs de la chaîne du livre et, conséquemment, celle de valoriser financièrement le travail des auteurs. Il convient donc de trouver un modus vivendi et de prendre des dispositions qui rendent ce rééquilibrage possible, ce que les nouvelles exceptions introduites dans le Code de la propriété intellectuelle mettent en péril puisqu’elles affaiblissent le droit de l’ayant droit moral au profit de celui de l’ayant droit patrimonial. Le discours du Syndicat national de l’édition est sur ce point symptomatique, particulièrement lorsqu’il prétend que la question du support de l’œuvre est seconde pour revendiquer un droit de suite éditorial exclusif sur toutes les formes d’exploitation de l’œuvre.

– Si le numérique permet théoriquement aux auteurs d’améliorer leur situation et leur condition, il génère ses propres écueils dont le seul médiatisé, sous le terme générique et abusif de piratage, est la contrefaçon commerciale. La contrefaçon commerciale ne doit pas être confondue avec la notion de partage, que celui-ci soit légal, donc entre dans le cadre de l’exception de copie privée, ou illégal, c’est-à-dire sortant du cercle de famille ou d’amis proches, même sans contrepartie financière.

– Le Droit du Serf se sent très concerné par les dangers que la contrefaçon commerciale fait peser sur la pérennité du métier d’auteur, puisque aucune œuvre culturelle ou artistique ne pèse moins lourd en nombre d’octets qu’un ouvrage littéraire qui, quelle que soit la méthode employée, peut circuler sous forme numérique à une vitesse extraordinaire, sans déperdition de contenu (par rapport aux fichiers audio, visuels ou audiovisuels que l’on est obligé de compresser, donc d’appauvrir, pour faciliter le transfert). Ainsi, techniquement, il ne faut pas plus de temps ni d’espace mémoire pour transférer 1000 romans impeccablement numérisés qu’un seul film mal encodé, or il existe déjà des packs de centaines de titres réunis en un seul répertoire qui circulent sur le web, et ce seront peut-être de véritables bibliothèques qui leur succéderont.

– Le Droit du Serf a aussi une conscience aiguë de l’impossibilité d’empêcher les contrefaçons numériques d’être diffusées sur la toile ou par d’autres voies numériques sans recourir à des lois, à des techniques de surveillance et à des rétorsions tellement coercitives qu’elles s’apparenteraient aux mesures liberticides à laquelle aucune démocratie ne devrait s’abaisser. Le collectif se demande d’ailleurs sur quelle base légitime le partage d’œuvres, qu’il s’agisse d’un don ou d’un prêt, pourrait être légal sous la forme matérielle et illégal sous une forme immatérielle. En outre, puisque la pénalisation du partage ne permettrait pas d’assurer l’accès à tous des œuvres culturelles numériques, il est d’autant plus aberrant d’incriminer le lecteur « fautif » que plusieurs études ont montré que les utilisateurs de contenus illégaux sont aussi les plus gros consommateurs légaux de biens culturels et qu’ils participent pour beaucoup à leur diffusion au sens promotionnel du terme.

– Par contre, les services publics doivent lutter aussi efficacement contre la contrefaçon commerciale numérique que contre la contrefaçon commerciale physique, et mettre en place un dispositif juridique qui pénalise fortement la marchandisation illégale des œuvres numériques. En sus de la poursuite des sites qui tirent profit de la contrefaçon, de manière directe (ventes ou abonnements) ou indirecte (revenus publicitaires), ce dispositif permettrait de condamner lourdement les annonceurs qui financent les contrefacteurs par le biais de la publicité, de l’annonce ou de liens vers leurs propres sites. Les amendes ainsi récoltées seraient reversées à une société de gestion qui se chargerait de les répartir aux ayants droit.

– D’une manière plus générale, plutôt qu’instituer une taxation supplémentaire de tous les usagers d’outils numériques ou de tous les clients de fournisseurs d’accès pour contrebalancer l’éventuel manque à gagner des ayants droit provoqué par les échanges numériques non marchands et non « sponsorisés », le Droit du Serf propose de créer une taxe supplémentaire sur la publicité en ligne. Cette taxe serait elle aussi versée à une société de gestion chargée de la répartir aux ayants droit.

– Même si cela sort quelque peu de la problématique propre à la création numérique, l’augmentation régulière des cotisations et des contributions sociales, ainsi que l’apparition plus récente d’une contribution à leur propre formation, le tout pendant que leurs revenus ne cessent de diminuer, participent aussi à la paupérisation des auteurs. Or, puisque les auteurs sont les premiers contributeurs à la culture et à l’éducation de tous les citoyens et que la Mission a pour vocation de soutenir la création, il ne serait pas inconvenant de soumettre les revenus d’auteur à un abattement fiscal supplémentaire plafonné et d’instituer un crédit d’impôt majoré pour les auteurs non-imposables.

– Un pourcentage significatif du prix de vente HT des œuvres tombées dans le domaine public et commercialisées par voie d’édition physique ou de diffusion numérique devrait être versé à une société de gestion qui se chargerait de sa répartition auprès des auteurs en activité.

– Le livre numérique ne doit pas être assimilé à une licence d’utilisation (cf. celle des applications logicielles), en l’occurrence de lecture, mais être la propriété de l’acquéreur qui bénéficiera au même titre que l’acquéreur du livre physique de l’exception de copie privée. La différence entre les deux supports consistant dans l’interdiction de revente d’un ouvrage numérique, assimilable à une contrefaçon. Ce, bien que le livre physique soit l’objet d’un commerce d’occasion sur lequel les auteurs ne perçoivent heureusement aucun droit (équivalant par exemple au droit de suite concernant les œuvres graphiques et plastiques de l’Article L122-8 du Code de la propriété intellectuelle).

Dans une deuxième phase, nos interlocuteurs nous ont posé des questions sur les sujets que nous avons abordés pour préciser différents points, notamment pour comprendre pourquoi nous préférons le principe de la société de gestion à celui de la subvention (type CNL) et comment nous envisageons la répartition. Ce qui nous a permis d’expliquer que l’équité de répartition, par opposition à la répartition au chiffre de vente, est la seule garantie que ceux dont la situation est la plus précaire bénéficieront utilement des sommes reversées.

Avant de se quitter, Pierre Lescure a suggéré que Juliette Mant reste en contact avec nous et nous tienne informés de l’avancée des travaux de la Mission, se réservant la possibilité d’une autre rencontre courant février pour approfondir certains points.

En conclusion, nous avons le sentiment d’avoir été écoutés par des gens qui ont une bonne connaissance du sujet, sont sensibles aux problématiques que nous avons abordées et semblent avoir été intéressés par certaines de nos propositions.

Rencontre du collectif avec la Mission sur l’adaptation du contrat d’édition à l’heure du numérique

16 janvier 2013 1 commentaire

Rencontre du collectif avec la Mission sur l’adaptation du contrat d’édition à l’heure du numérique :

Le collectif était représenté par Sara Doke, Gérard Guéro et Ayerdhal.

La mission était représentée par Pierre Sirinelli et Liliane de Carvalho.

Pour rappel, la lettre de Mission sur l’adaptation du contrat d’édition à l’heure du numérique précise que : « La Ministre veut garantir le développement du marché du livre numérique dans un contexte équilibré pour les auteurs et les éditeurs et considère qu’il serait regrettable de renoncer à ce stade aux nombreux points de consensus qui ont pu émerger durant cette année de dialogue. La ministre a souhaité confier au professeur Sirinelli, le soin de poursuivre son travail de médiation qui permettra de faire progresser la discussion sur le contrat d’édition à l’ère numérique dans le contexte plus global des relations contractuelles liant l’auteur à son éditeur. La Ministre souhaite que la reprise des discussions entre auteurs et éditeurs aboutisse à un accord qui permette une adaptation pertinente des règles propres au contrat d’édition dans le secteur du livre. »

Le dialogue auquel se réfère la Ministre concerne les négociations autour du livre numérique, dans le cadre du Conseil Supérieur de la Propriété littéraire et artistique (CSPLA), entre le Syndicat national de l’édition (SNE) et le Conseil permanent des écrivains (CPE), assimilés à des partenaires sociaux.

Voir : http://www.conseilpermanentdesecrivains.org/Communique_presse_21juin2012.htm

Association de fait, Le Droit du Serf ne fait pas et ne peut pas faire partie du CPE – c’est entre autres pour cela que plusieurs parmi le collectif ont adhéré au Syndicat des écrivains de langue française (SELF) qui est, lui, membre du CPE. En nous recevant, la Mission sur l’adaptation du contrat d’édition à l’heure du numérique nous donnait l’opportunité de faire entendre une voix qui diffère quelque peu du consensus auquel les associations constituant le CPE sont obligées de parvenir avant même de discuter avec le SNE. Et ce n’est pas à une audition que nous avons été conviés, mais à un échange.

Si Pierre Sirinelli nous a rapidement signifié qu’il n’entendait pas aborder la loi sur la numérisation des livres indisponibles du XXe siècle, parce que celle-ci n’entre pas dans le cadre spécifique de sa mission, nous nous sommes néanmoins exprimés sur un point concomitant à la loi du 1er mars 2012 et aux adaptations du contrat d’édition, du code des usages en littérature générale et du code de la propriété intellectuelle :

– Le classement comme « indisponible » d’un ouvrage devrait se substituer à la preuve que l’auteur doit fournir que l’éditeur est en défaut d’exploitation et induire la restitution des droits patrimoniaux à l’auteur, puisque l’obligation d’exploitation permanente et suivie de l’éditeur n’est pas respectée et qu’elle entraîne la résiliation de plein droit de la cession.

Nous avons par la suite présenté notre point de vue sur le contrat d’édition proprement dit :

– Sa durée, qui ne devrait pas s’étendre sur celle de la propriété littéraire et, en matière numérique, ne pas excéder quelques années.

– L’obligation de contrat séparé entre l’édition papier et l’édition numérique, à l’instar de ce qui se pratique avec les contrats d’adaptation audiovisuelle.

– La clause de revoyure, qui doit obliger les deux parties à rediscuter si besoin les termes de l’un ou l’autre contrat à la fin de chaque période de cession.

– La réduction des délais de réaction imposés à l’éditeur en cas de mise en demeure pour défaillance au contrat.

Puis nous avons discuté de ces points et d’autres sous leurs différents aspects, notamment celui du rôle de médiation qui préside aux travaux de la Mission et celui d’empêcheur d’asservir en rond les précaires du secteur du livre qui motive le DdS.

Comme Pierre Sirinelli et Liliane de Carvalho connaissaient bien les différentes actions du Droit du Serf avant que nous les rencontrions et que, quelques heures plus tôt, nous avions eu accès aux propositions provisoires de la Mission (à l’intention du SNE et du CPE, chargés de les annoter et d’y ajouter les leurs) pour la révision du contrat d’édition et du code des usages, la discussion a été très ouverte et très franche.

Il en ressort que la Mission a parfaitement conscience de nos problèmes et qu’elle s’efforce de les prendre en compte. Nous nous souhaitons qu’elle y parvienne.

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Les Serfs au Sénat

19 juillet 2012 4 commentaires

Audition du Droit du Serf par la commission de la Culture du Sénat le 18 juillet 2012, dans le cadre de la loi sur la numérisation des œuvres indisponibles du XXe siècle promulguée le 1er mars de cette année.

Nous étions donc huit, mais, pour faciliter l’audition, il était convenu avec la commission sénatoriale que seuls quatre d’entre nous pourraient prendre la parole (nous n’avons disposé que de trois quarts d’heure).

Sara Doke, Franck Macrez, Lionel Maurel et Olivier Paquet se sont donc faits les voix du collectif, rejoints par David Queffélec pour une question requérant ses lumières.

Sylvie Denis, Gérard Guéro et Ayerdhal se sont cantonnés dans le rôle de spectateurs et de soutien télépathique (si, si).

Une vingtaine de sénateurs étaient présents et, dans l’ensemble, très attentifs, bien qu’ils aient auparavant reçu les représentants du SLF (syndicat de la librairie française), ceux du SNE et ceux de Conseil permanent des écrivains. Cette attention, la nature des questions posées et l’intérêt pour les problèmes que nous avons soulevés nous inclinent à penser que la commission de la Culture prend très à cœur la mission dont elle est investie, même s’il nous est difficile de déterminer quelle est la nature précise de cette mission, sinon de faire des recommandations en vue de la rédaction des décrets d’application de la loi du 1er mars.

Nous avons bien sûr exposé les effets délétères de la loi sur la situation déjà très précaire des auteurs, en précisant quelle est la condition actuelle de sous-prolétariat des auteurs (sans qui la littérature et ses exploitations n’existeraient pourtant pas), la situation régalienne des groupes éditoriaux et le bras de fer auquel les auteurs sont contraints pour faire valoir le droit et l’équité dans un rapport de force qui leur est extrêmement défavorable. Situation dont les sénateurs sont très conscients, à en juger par leurs hochements de tête approbateurs.

Nous avons souligné les aberrations de l’usine à gaz que représente cette loi. Il a notamment été démontré l’inconstitutionnalité du texte, son irrespect de la convention de Berne, sa remise en cause de la Déclaration des droits de l’Homme, son détournement de l’esprit du Code de la propriété intellectuelle par l’intermédiaire d’exceptions réduisant le droit d’auteur à peau de chagrin au bénéfice des acteurs de la commercialisation, ainsi que la dangereuse confusion entre propriété incorporelle et propriété corporelle.

Nous avons clairement signifié que nous poserons une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) dès la parution des décrets d’application et que celle-ci avait toutes les chances d’aboutir à l’invalidation de la loi.

À notre plus vive surprise, nous avons été interrogés sur les moyens, outre la QPC, que le DDS envisage d’utiliser pour mettre cette loi en défaut. Il nous a notamment été posé une question concernant « indisponibles.fr » qui a permis à David Queffélec d’expliquer la mise en place et le fonctionnement de la coopérative d’édition numérique qui devrait être opérationnelle en septembre. Ce projet a semblé fortement intéresser nos auditeurs qui ont enchaîné plusieurs questions à l’adresse de David.

Nous avons évidemment insisté sur les aspects intolérables de la loi du 1er mars et, à la question posée, détaillé ce qui pourrait rendre un texte sur la numérisation des œuvres indisponibles acceptables pour les auteurs.

– Considérer qu’une œuvre déclarée indisponible induit le défaut de commercialisation de l’éditeur, obligeant celui-ci à la réimprimer en quantité suffisante pour une bonne commercialisation dans un délai d’un an à dater de sa mise sur la liste des indisponibles, sans que l’auteur ne doive prouver que l’ouvrage est épuisé pour le mettre en demeure de le réimprimer. À défaut, l’intégralité des droits est restituée à l’auteur.

– Aucune œuvre ne saurait être numérisée sans l’accord exprès de l’auteur ou de ses ayants droit. À l’inverse du principe de l’opt-out (c’est l’auteur qui doit réclamer la sortie de son ou ses ouvrages de la liste publiée par la BnF, en prouvant par ailleurs que cela est susceptible de nuire à son honneur et à sa réputation), c’est celui de l’opt-in qui doit être retenu (informé par la BnF, l’auteur décide ou non de laisser son œuvre dans la liste des ouvrages numérisables dans le cadre de la loi).

– Puisque les éditeurs ne possèdent pas les droits de commercialisation numérique des ouvrages, ils n’ont en aucun cas à faire partie de la SPRD chargée de gérer la publication numérique de ceux-ci. La SPRD ne peut donc être qu’une société d’auteurs.

Trois quarts d’heure, c’est très court. Nous n’avons pas pu en exposer davantage.

Bien que la tournure des questions et l’attention qui a été portée à nos réponses nous paraissent très positives, nous sommes toutefois inquiets pour la suite des événements. Il nous a en effet été signifié que la loi, votée et promulguée, ne saurait être remise en cause, mais seulement adaptée par l’intermédiaire des décrets d’application.

Nous restons donc très vigilants, nous continuons à réclamer l’abrogation de ce texte et nous poursuivons nos actions pour en venir à bout, prêts à participer à l’élaboration d’un nouveau projet de loi.

Même si imparfaite, la pétition est toujours d’actualité. Diffusez-la.

http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2012N21047

Le Droit du Serf auditionné par le Sénat

9 juillet 2012 1 commentaire

Le 18 juillet 2012, la commission de la culture du Sénat, présidée par Mme Marie-Christine Blandin, auditionnera des représentants du Droit du Serf au sujet de l’exploitation numérique des œuvres indisponibles du XXe siècle.

Interview d’Ayerdhal par ActuSF

19 juin 2012 1 commentaire

L’avènement du livre numérique pose de nombreuses questions sur les relations entre les auteurs et les éditeurs…

Ces dernières semaines, l’arrivée d’une loi sur la numérisation des livres indisponibles du XXème siècle et l’annonce d’un accord en parallèle sur le même sujet entre les éditeurs et Google a provoqué de vives polémiques…

Membre actif du collectif le Droit du Serf, Ayerdhal a accepté de répondre à quelques questions pour nous expliquer la situation…

ActuSF : Qu’est-ce qui est à l’origine de la loi sur la numérisation des œuvres indisponibles ? Qui l’imagine, qui la négocie ?
Ayerdhal : C’est un accord-cadre, tenu secret jusqu’au vote, entre le SNE, la SGDL, la BnF, le ministère de la Culture et de la Communication et le Commissariat général à l’investissement, en date du 1er février 2011 qui met en œuvre le projet à l’origine de la loi (http://www.actualitte.com/actualite/monde-edition/societe/exclusif-l-accord-cadre-sur-la-numerisation-des-oeuvres-indisponibles-32264.htm) promulguée le 1er mars 2012. Cet accord fait suite à plusieurs travaux préparatoires, dont une table ronde de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale le 25 novembre 2009 (http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cedu/09-10/c0910016.asp) et une session ordinaire du Sénat intitulée « L’avenir de la filière du livre numérique » le 2 juin 2010 (http://www.senat.fr/rap/r09-522/r09-5220.html). On notera, dans les deux cas, la présence et les interventions des mêmes locuteurs non parlementaires, dont celles de M. Philippe Colombet pour Google (Amazon et Apple aussi avaient été conviés, au moins au Sénat, mais n’ont envoyé aucun représentant).

ActuSF : Quels en sont les enjeux ?
Ayerdhal : Officiellement, tel que diffusé par voie de presse, il s’agit de numériser l’ensemble des œuvres littéraires du XXe siècle qui ne sont plus commercialisées, pour les mettre à disposition du public dans des conditions satisfaisant au Code de la Propriété Intellectuelle et, particulièrement, dans le respect du droit d’auteur. Soit un corpus, évalué entre 500 000 et 700 000 titres, auquel le public n’a plus accès, sinon dans les bibliothèques et sur le marché de l’occasion. L’intention avouée est aussi de couper l’herbe sous les pieds des géants de la diffusion numérique américains et, plus précisément, de Google qui, dès 2005 s’est mis à numériser près de 20 millions d’ouvrages sans se soucier des droits auxquels ceux-ci étaient soumis et qui, poursuivi en France par le SNE et la SGDL dès 2006, a été condamné en décembre 2009 et a immédiatement interjeté appel.

De manière plus pragmatique, sans que cela ne soit jamais mentionné par les rédacteurs et promoteurs de ce texte, ses enjeux sont purement économiques. Il s’agit en fait de contourner le droit d’auteur, en introduisant de nouvelles exceptions au Code de la Propriété Intellectuelle, pour permettre aux éditeurs de vendre ou de percevoir des bénéfices sur la vente sous format numérique d’ouvrages dont ils ne devraient plus avoir les droits d’exploitation, puisque en défaut de commercialisation, sans réellement négocier l’usage de ces droits avec les auteurs et les ayants droit.

ActuSF : Qui va numériser et commercialiser les œuvres dites indisponibles ?
Ayerdhal : La loi envisage plusieurs cas qui, tous, découlent d’une inscription dans la base de données des ouvrages indisponibles effectuée par la BnF, de la réactivité des auteurs et des éditeurs à cette inscription (ils disposent de six mois pour s’y opposer) et de la société de perception et de répartition des droits (SPRD) qui jouit seule du droit d’autoriser la reproduction et la représentation sous forme numérique des ouvrages indexés comme indisponibles par la BnF. Étrangement, le législateur a choisi de confier la gestion de cette SPRD à une représentation paritaire des auteurs et des éditeurs, alors que seuls les auteurs possèdent les droits d’exploitation numérique de leurs œuvres, puisque les contrats d’édition signés avant le 1er janvier 2001 ne comportent qu’exceptionnellement une clause mentionnant cette exploitation numérique et que, comme je l’ai déjà dit, par définition, les éditeurs ne devraient plus pouvoir exercer le moindre droit sur les œuvres dites indisponibles.
En cas d’opposition de l’éditeur disposant du droit de reproduction de ce livre sous une forme imprimée, celui-ci dispose de deux ans pour exploiter numériquement l’ouvrage à titre exclusif pour une durée de dix ans tacitement renouvelable.
En cas de notification par l’éditeur de sa décision d’exploiter le livre indisponible concerné, l’éditeur dispose de trois ans suivant cette notification pour réaliser cette exploitation.
Dans les autres cas, ou en cas de défaut de l’éditeur, la SPRD confie l’autorisation de l’exploitation numérique de l’ouvrage à qui bon lui semble.
En outre, sauf refus motivé, la SPRD autorise gratuitement les bibliothèques accessibles au public à reproduire et à diffuser sous forme numérique à leurs abonnés les livres indisponibles conservés dans leurs fonds dont aucun titulaire du droit de reproduction sous une forme imprimée n’a pu être trouvé dans un délai de dix ans à compter de la première autorisation d’exploitation.
À noter que la loi n’envisage pas la publication numérique par l’auteur lui-même.

ActuSF : Quelle est la place de l’auteur et de l’éditeur dans le dispositif ?
Ayerdhal : Comme déclaré avec une ironie lapidaire par Antoine Gallimard, l’auteur dispose du droit de retrait. Comme de nombreux juristes spécialisés et nous-mêmes, auteurs du collectif Le droit du serf, lisons la loi, l’éditeur dispose de tous les autres. La parité auteurs/éditeurs au sein de la gestion de la SPRD est une parodie d’équité qui sanctionne de fait la captation du droit de reproduction numérique par les éditeurs sous l’égide du SNE.

ActuSF : Sans revenir sur le texte de la pétition lancée par le Droit du serf, quels sont les principaux points qui ont provoqué la colère des auteurs ?
Ayerdhal : Comme le précise Franck Macrez (http://franck.macrez.net/2012/04/03/lexploitation-numerique-des-livres-indisponibles-que-reste-t-il-du-droit-dauteur-recueil-dalloz/) la loi instaure une confusion entre propriété incorporelle (œuvre de l’esprit) et propriété corporelle (exploitation commerciale) au détriment de l’auteur , au bénéfice de l’exploitant. Or il ne peut s’agir de numériser des livres, donc un support d’exploitation, mais seulement de « faciliter » l’exploitation d’une œuvre de l’esprit sous un nouveau format : le numérique.
Elle permet le contournement de l’obligation d’exploitation permanente et suivie de l’éditeur entraînant la résiliation de plein droit de la cession d’exploitation. Le seul fait qu’un ouvrage soit classé « indisponible » devrait induire la restitution automatique des droits patrimoniaux à l’auteur, excluant de fait l’éditeur du mécanisme de gestion collective.
Elle se substitue au contrat d’édition, permettant à l’éditeur d’échapper à la négociation de cession des droits d’exploitation numérique.
En ce qui concerne l’entrée et la sortie de la gestion collective, l’auteur dispose de 6 mois pour s’opposer à la numérisation forcée (incompatible avec l’article 5.2 de la convention de Berne qui précise que la jouissance et l’exercice des droits ne sont subordonnés à aucune formalité).
L’éditeur est présumé titulaire des droits patrimoniaux. Si ce n’est pas le cas, l’auteur doit en apporter la preuve.
Pour sortir de la gestion collective, la demande doit être effectuée conjointement par l’auteur et l’éditeur, alors que ce dernier ne dispose pas des droits numériques. Pour le faire seul, l’auteur doit prouver soit que la publication numérique porte atteinte à son honneur et à sa réputation, soit que l’éditeur ne possède pas les droits de reproduction, soit qu’il est seul titulaire des droits numériques. La charge de la preuve pèse donc sur l’auteur, bien que la qualité d’auteur appartienne à celui sous le nom de qui l’œuvre est divulguée.
L’arrivée massive sur le marché d’ouvrages du XXe siècle sous format numérique risque de noyer la production des éditeurs indépendants qui ne disposent pas des catalogues pharaoniques des groupes éditoriaux, ainsi que celle des auteurs aujourd’hui actifs, et, à l’image des libraires étouffés par l’offre des plateformes numériques, d’amplifier leurs difficultés économiques.
La loi ne concerne que les ouvrages ayant connu une exploitation commerciale, excluant ainsi nombre de publications scientifiques, documents, essais et œuvres de poésie, constituant un patrimoine souvent immédiatement indisponible.
Par ailleurs, alors que le prétexte à cette loi était de protéger les auteurs contre le principe de l’opt-out – option de retrait, par opposition à l’opt-in : option d’adhésion – initié par Google en 2005, le récent accord Google/SNE démontre qu’il n’en était rien. Il suffit aujourd’hui, comme l’explique Lionel Maurel (http://owni.fr/2012/06/13/la-part-dombre-de-google-livres/) que Google et les éditeurs s’accordent sur un délai pour que la SPRD n’exploite pas les œuvres (celles-ci sont indisponibles au sens de la loi et peuvent être inscrites dans la base, déclenchant l’opt-out) pour faire jouer une sorte de « blanchiment des contrats d’édition », qui garantit aux éditeurs de conserver les droits, même sur les œuvres pour lesquelles cela aurait pu être douteux, et qui permet à Google de réaliser en France ce qu’il ne peut plus faire aux États-Unis, en demandant in fine une licence d’exploitation à la société de gestion collective.

ActuSF : Pourquoi cet accord-cadre à l’origine de la loi a-t-il été tenu secret ?
Ayerdhal : À l’évidence pour que nous ne puissions en contester la légitimité, ni nous immiscer dans la rédaction de la loi, ni en expliquer les dangers aux parlementaires mal informés, ni alerter les auteurs ou ayants droit concernés, ni nous prémunir contre ses conséquences, ni anticiper la teneur d’autres accords, comme ceux entre le SNE et la SGDL (voire le CPE) à propos des droits numériques ou ceux entre Google et le SNE et ceux entre Google et la SGDL… bien que tous se réfugient derrière des hasards de calendrier et l’ignorance des accords que les uns et les autres contractaient.

ActuSF : Une délégation du Droit du serf a été reçue par les services de la culture. Qu’en est-il ressorti ? Y avait-il moyen de faire changer la loi ?
Ayerdhal : Nous avons été reçus le 2 mai 2012 par le service du livre et de la lecture, pour une rencontre qui a duré trois heures, et nous avons été écoutés avec attention sur les différents points ci-dessus évoqués. Il est toutefois ressorti que, si le ministère considère que la loi est modulable par l’intermédiaire des décrets d’application, elle ne peut être remise en cause… ce que nous continuons pourtant à faire en réclamant son abrogation. Nous nous sommes aussi heurtés à une rengaine édifiante : le ministère n’a pas à se mêler de sujets qui doivent être débattus entre auteurs et éditeurs, même s’il a conscience que les auteurs ne sont pas précisément en position de négocier d’égal à égal. Nous avons aussi convenu de prolonger rapidement cet échange par d’autres discussions, mais le service du livre et de la lecture ne nous a jamais recontactés, si ce n’est le 15 juin pour m’informer par l’intermédiaire de son directeur que l’usage du terme « valets » dans mon pamphlet Conte de méfaits : Blanche Neige et les sept nains disponibles, publié le 11 juin, avait heurté ses collaborateurs et lui-même, dont je ne mets pourtant pas en cause la probité.

ActuSF : Finalement surprise, hier Antoine Gallimard a annoncé un accord avec Google. Quel est l’essence de cet accord ?
Ayerdhal : Apparemment, mettant un terme au procès qui les opposait, Google et le SNE se sont entendus pour que les éditeurs (du SNE uniquement) puissent commercialiser leurs ouvrages via Google, la majorité des revenus étant reversée à l’éditeur, étant entendu que des exclusivités seront consenties par les éditeurs français afin que les fichiers ne soient pas distribués par les concurrents les plus menaçants pour Google : Apple et Amazon. En complément, Google s’engage à financer l’opération du SNE Les petits champions de la lecture dont le but est de promouvoir la lecture à haute voix chez les enfants. Évidemment, la teneur de cet accord-cadre n’est accessible qu’aux éditeurs adhérents du SNE et le montant des sommes est confidentiel.
Parallèlement, Google et la SGDL ont aussi mis fin à leur contentieux en signant un accord prévoyant notamment le soutien financier de Google au développement du fichier SGDL des auteurs de l’écrit et de leurs ayants droit.

ActuSF : Si les éditeurs peuvent intervenir avant la numérisation, l’auteur ne semble pas présent dans les discussions. Ai-je mal lu ? Est-ce normal ?
Ayerdhal : Depuis longtemps, la question est toujours la même : qui, à part l’auteur, se soucie de l’auteur ? Je vous renvoie ici : http://www.actusf.com/spip/article-13727.html

ActuSF : Est-ce que cet accord n’invalide pas la loi votée par les parlementaires ? Concrètement, est-il compatible ? Le SNE et la SGDL pouvaient-ils continuer à négocier avec Google alors que cette loi visait justement à contrer l’attaque de ce groupe ? (qui s’est foutu de la gueule de qui dans cette histoire ?).
Ayerdhal : Je pense, du moins j’espère, qu’il faut dissocier l’accord Google/SNE de l’accord Google/SGDL et que, faute d’anticipation et d’analyse, la SGDL se retrouve dindon de cette farce nauséabonde. Elle devra néanmoins des comptes aux auteurs et, a minima, s’expliquer sur ses concessions et ses revirements, sur l’abandon des poursuites contre Google, sur le sceau du secret qu’elle a maintenu dans ces différentes tractations même auprès de ses membres, sur la sourde oreille qu’elle a opposée à ceux qui l’ont alertée (parfois en hurlant comme c’est le cas du Droit du serf), sur son cavalier seul et sur les relations consanguines qui existent entre sa participation à l’accord-cadre ayant initié la loi sur les indisponibles, sa gestion de la Sofia (seule société paritaire pressentie pour être la SPRD en charge des œuvres numérisées dans le cadre de la loi) et son accord avec Google pour développer son fichier des auteurs.
C’est hélas beaucoup plus clair et beaucoup plus inquiétant en ce qui concerne l’accord Google/SNE. Si, hypothétiquement, les deux dispositifs peuvent être complémentaires et si les éditeurs peuvent choisir entre l’accord Google et la gestion collective, voire travailler avec les deux modèles, il leur est tout aussi possible d’opter massivement pour le dispositif Google, invalidant la gestion collective envisagée par la loi par épuisement du nombre d’œuvres indisponibles. Mais il y a pire, comme je l’ai expliqué plus haut en citant le « blanchiment des contrats d’édition » évoqué par Lionel Maurel (Calimaq).
Dans tous les cas, le Code de la Propriété Intellectuelle aura été définitivement aliéné par cette loi et les auteurs auront énormément perdu.

ActuSF : Pourquoi encore une fois s’agit-il d’un accord secret ?
Ayerdhal : Pour les mêmes raisons qui ont présidé à maintenir secret l’accord-cadre sur les indisponibles… augmentées probablement du besoin de tenir éloignés le ministère de la culture et les parlementaires de tractations capitalistiques sans rapport avec l’intérêt général.

ActuSF : Parlons simplement d’Antoine Gallimard, président du groupe du même nom, président du SNE, membre du CA de la BnF… Il semble présent à tous les échelons de ce dossier. Quel est son rôle dans cette affaire ? Quel est son intérêt ?
Ayerdhal : Maître d’œuvre, chef d’orchestre, marionnettiste ? Il est difficile aujourd’hui d’envisager Antoine Gallimard autrement que comme un stratège qui place depuis longtemps ses pièces sur un échiquier dont il change la topographie et les règles au fil de ses besoins. Son intérêt ? Ni plus ni moins que celui de tout capitaine d’industrie : le profit.

ActuSF : Le droit du serf est en ébullition. Pour quelle raison ? Qu’est-ce qui gène les auteurs, illustrateurs etc.
Ayerdhal : Trois fois rien. Pendant que la plupart des éditeurs nous proposent des avenants aux contrats d’édition d’une parfaite indécence (à ce point, on peut parler d’obole) pour les droits de publication numérique de nos ouvrages, une loi – prétendant sauver le patrimoine littéraire français et nos droits d’auteur de la voracité de Google – nous donne en pâture aux éditeurs, en continuant à vider le Code de la Propriété Intellectuelle de son sens pour substituer au droit d’auteur un droit d’éditeur et de diffuseur… puis les éditeurs s’empressent de signer avec Google un accord d’où découlera une augmentation de leurs bénéfices au détriment de la rémunération de notre travail qu’ils refusent de considérer comme un travail. Si l’on ajoute que ces mêmes éditeurs s’entendent pour commercialiser les livres numériques à des prix tellement élevés que, mécaniquement, cela incitera au piratage massif de nos œuvres, et que le ministère de la culture ne semble pas prendre la mesure de notre paupérisation mais s’engage à voler au secours des éditeurs, des diffuseurs, des libraires et des bibliothèques (cherchez le mot manquant), nous sommes – nous dont on ne prononce pas le nom – devenus les Intouchables, au sens indien du terme, du monde merveilleux du livre.

ActuSF : Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? Quelle est la suite des évènements ?
Ayerdhal : Puisque personne ne semble avoir conscience qu’il n’y pas de livre ni de culture littéraire sans auteurs, nous allons le rappeler, et le rappeler encore. Les différentes élections ayant interrompu les relations avec le ministère, nous espérons pouvoir les reprendre ou, au moins, prendre contact avec madame Filippetti pour obtenir la tenue d’états généraux entre les différents acteurs de la culture littéraire au sein desquels les auteurs seraient davantage représentés et, surtout, pris en compte.
D’ici là, toujours nous demandons l’abrogation de cette loi inique.

Interview réalisée par Jérôme Vincent d’ActuSF

Le Droit du Serf rencontre le service du livre du ministère de la culture !

4 Mai 2012 Commentaires fermés
Ce 2 mai s’est tenue une première rencontre entre Le Droit du Serf et le service du livre et de la lecture du ministère de la culture et de l’éducation autour de la loi sur la numérisation des œuvres indisponibles du XXe siècle.

Le Droit du Serf se félicite de la discussion qui a duré trois heures et prend acte de la volonté du ministère d’expliquer les mécanismes en cause. Toutefois, cette rencontre n’ayant pas permis de définir un accord sur le fond, nous poursuivrons les discussions, ainsi que les deux parties le souhaitent. En attendant :

  • Nous réaffirmons notre opposition à cette loi qui bafoue le droit d’auteur.
  • Nous appelons chacun à rester mobilisé.

Vous trouverez ci-dessous le compte rendu de ce rendez-vous.

Le Droit du Serf.

 

La délégation du Droit du serf a donc été reçue mercredi 2 mai par le service du livre et de la lecture du ministère de la culture et de l’éducation, pour une rencontre qui a duré trois heures et que le service du livre et nous souhaitons prolonger par d’autres discussions.

Si, comme nous nous y attendions, les représentants du ministère se sont efforcés de nous faire une lecture commentée, voire une explication de la loi dans le texte, leur but n’était pas nécessairement de nous la faire gober toute crue avec ou sans la coquille, mais d’envisager des pistes de réflexion, tenant compte des achoppements et des problèmes que nous soulevons, en vue de la rédaction des décrets qui en permettront l’application.

Vous l’avez compris : à leur entendement, la base est la loi sur laquelle ils ont travaillé deux ans avec la BnF et, en guise de partenaires sociaux, les représentants des auteurs (essentiellement la SGDL) et des éditeurs (le seul SNE). Le principe serait donc que, si la loi est modulable par l’intermédiaire des décrets, elle ne peut être remise en cause. Les différentes législatures de la cinquième république nous permettent d’être bien plus sceptiques qu’eux quant au caractère inamovible d’une loi… et, beaucoup plus près de nos préoccupations, la multiplication des exceptions introduites dans le Code de la Propriété Intellectuelle à grand renfort de lois invalidantes suffit à nous conforter dans l’idée que rien n’est perpétuel. Et heureusement.

Nous avons donc été écoutés et, ne soyons pas chiches, nous l’avons été attentivement. Nous avons toutefois l’impression que nous n’avons pas été entendus et qu’il faudra d’autres discussions, d’autres actions, d’autres pressions, d’autres communications pour que le ministère assume pleinement ses compétences et, au-delà de la reconnaissance de la légitimité de nos revendications, les considère comme prioritaires.

Parmi les points que nous avons soulevés, certains constituent en effet un préalable à l’élaboration d’un texte encadrant la numérisation des œuvres indisponibles du XXe siècle.

– Le seul fait qu’un ouvrage soit classé comme « indisponible » par la BnF doit induire la restitution des droits patrimoniaux à l’auteur, puisque l’obligation d’exploitation permanente et suivie de l’éditeur n’est pas respectée et qu’elle entraîne la résiliation de plein droit de la cession d’exploitation.

* Il nous a été objecté que « indisponible » ne signifie pas « épuisé ». En sus de cet argument pour le moins spécieux, il nous a été signifié que l’auteur seul peut obtenir la restitution de ses droits patrimoniaux par un processus défini par le Code de la Propriété Intellectuelle : constat de l’épuisement d’un ouvrage, mise en demeure envoyée à l’éditeur de le réimprimer dans les douze mois, etc. Ceux qui ont essayé savent que la démarche est difficile et que son aboutissement dépend de la probité et de la bonne volonté de l’éditeur. Quitte à introduire des exceptions au CPI, nous estimons que cette mise en demeure peut être effectuée ou facilitée par la BnF, son classement d’un ouvrage dans la liste des indisponibles se substituant à la preuve que l’auteur doit fournir que l’éditeur est en défaut d’exploitation.

 

– La loi confond propriété incorporelle (l’œuvre de l’esprit) et propriété corporelle (droit d’exploitation commerciale). En effet, on ne numérise pas un support d’exploitation (le livre papier), mais son contenu, donc l’œuvre de l’esprit qui appartient au seul auteur. Conséquemment, sauf cas rarissime avant le 31 décembre 2001 d’une cession des droits d’exploitation numérique, l’éditeur ne peut prétendre à un droit de préférence sur l’exploitation numérique d’un ouvrage entrant dans le cadre de cette loi.

* Il nous a été objecté que l’éditeur ayant pris un risque financier lors de la publication papier, il est normal qu’il bénéficie au même titre que l’auteur des revenus de la publication numérique. Or, non seulement le risque financier a été pris en compte lors de la rédaction du contrat par les clauses stipulées dans ledit contrat, mais quid de la perte de revenus pour l’auteur lorsque l’éditeur a unilatéralement décidé de cesser l’exploitation de son œuvre ?

 

– Puisque, d’une part, l’éditeur est en défaut d’exploitation et que, d’autre part, il n’est pas cessionnaire des droits numériques, il ne peut être question de gestion paritaire de la Société de Perception et de Répartition des Droits entre auteurs et éditeurs. Si une SPRD voit le jour, elle ne peut être qu’une société d’auteurs.

* La question a été prudemment ignorée.

 

– La loi prévoit que le montant des sommes perçues par le ou les auteurs de l’ouvrage numérisé ne peut être inférieur au montant des sommes perçues par l’éditeur.

* Aucune précision ne nous a été fournie à propos de la somme sur laquelle elle portera, compte tenu des frais de numérisation, du coût de la diffusion, des prélèvements éventuels de la société de gestion, etc.

 

– La loi stipule que l’auteur disposera de 6 mois pour s’opposer à la numérisation des ouvrages que la BnF aura placés dans la liste des œuvres indisponibles, qui serait publiée chaque année au début du mois de janvier. Ce sera donc à l’auteur de surveiller cette liste et les ajouts qui s’y succéderont pour faire jouer son droit d’opposition auprès de la BnF, en complète contradiction avec l’article 5.2 de la convention de Berne qui précise que la jouissance et l’exercice des droits ne sont subordonnés à aucune formalité. Si la plupart des auteurs en activité sont aujourd’hui équipés d’un accès à Internet leur permettant de surveiller cette liste, ce n’est pas le cas de tous (et encore faudrait-il que tous soient informés de cette disposition), mais les ayants droit, dont les œuvres dont ils sont propriétaires ne sont plus exploitées commercialement depuis des années, voire des décennies, n’ont aucune raison de surveiller une liste dont ils n’auront pas connaissance. Nous demandons donc que ne figurent dans la liste des ouvrages indisponibles que ceux pour lesquels les auteurs ou les ayants droit auront expressément donné leur accord.

* Il nous a bien sûr été objecté que rechercher et contacter tous les auteurs concernés et encore plus les ayants droit seraient fastidieux et onéreux. Il semble toutefois envisageable que, moyennant une petite adaptation dans les décrets d’application, les auteurs pourront à titre individuel s’opposer en une seule fois pour l’ensemble de leurs ouvrages.

 

– L’accord cadre à l’origine de la loi prévoyant de numériser au moins 500 000 livres en cinq ans, nous avons fait part de notre inquiétude quant à l’impact d’une arrivée aussi massive sur le marché d’ouvrages entrant directement en concurrence avec la publication d’ouvrages inédits, fragilisant donc les auteurs en activité ou en devenir, les éditeurs indépendants (qui ne disposent pas des catalogues pharaoniques des groupes éditoriaux), les libraires étouffés par l’offre des plateformes numériques et, particulièrement, ceux qui vendent à la fois des ouvrages neufs et des ouvrages d’occasion (le livre d’occasion représentant pour ces derniers une contribution décisive à leur marge nette, quand celle-ci existe).

* Il semble que nous nous inquiétons pour rien, que le lecteur préférera toujours acheter un inédit à 20 € plutôt qu’un livre plus ancien, mais qu’il n’aurait pas lu, à un prix nettement moins élevé, que le numérique occupera encore longtemps une place insignifiante sur le marché, que les éditeurs sauront veiller à ce que l’offre numérique soit raisonnée… donc, à notre point de vue, trop chère – les éditeurs ayant intérêt à protéger l’exploitation poche – et incitant de fait au piratage.

 

– Nous nous sommes étonnés que ce corpus de numérisation, motivé par une politique patrimoniale d’accès public aux œuvres, ne concerne que les ouvrages ayant connu une exploitation commerciale, excluant ainsi nombre de publications scientifiques, documents, essais et œuvres de poésie, constituant un patrimoine souvent immédiatement indisponible.

* La question est restée sans réponse.

 

Le temps nous a manqué pour aborder d’autres points et certains, que nous avons eu le temps de soulever, se sont heurtés à un gimmick édifiant : le ministère n’a pas à se mêler de sujets qui doivent être débattus entre auteurs et éditeurs, même s’il a conscience que les auteurs ne sont pas précisément en position de négocier d’égal à égal.

Nous avons pourtant à de multiples reprises et, au moins une fois, sans prendre de gants, expliqué que la loi en question accentuait encore le déséquilibre dans la relation auteurs-éditeurs et qu’elle menait directement à une situation de blocage qui se solderait par un bras de fer long et dévastateur. Nous n’avons pas précisé que les éditeurs creusaient leurs tombes et que ce nouvel outil qu’ils essaient de s’accaparer nous offrait l’opportunité de les y aider à grand renfort de tractopelle numérique. C’était inutile : ce n’est pas tout à fait un hasard si le ministère recevait un collectif ne disposant d’aucun statut.

Nous ne sommes pour l’instant que 800 à revendiquer d’autres droits que celui du serf, et la pétition, qui a déjà recueilli 3200 signatures, court toujours. Pour que nous soyons réellement pris en compte, nous vous invitons à la signer, à la faire circuler encore et encore, et à nous rejoindre avant qu’un droit d’éditeur ne se substitue totalement à celui d’auteur.